Avec Martin Perrier, champion du monde d’ultra endurance (200 miles = 320 km) et ex-manager chez JP Morgan
On parle d’engagement partout : engagement des collaborateurs, engagement citoyen, engagement RSE… Mais dans le quotidien des équipes, l’enjeu est beaucoup plus simple — et plus exigeant : transformer des intentions en comportements réguliers.
Comme le résume Martin Perrier :
« Pour moi, l’engagement, c’est dire ce qu’on va faire… et faire ce qu’on a dit qu’on ferait. »
Dans ce webinaire Paroles d’Experts, Martin partage une approche très opérationnelle de l’engagement, nourrie à la fois par son expérience de manager en banque d’investissement et par sa pratique de l’ultra-endurance.
Objectif : donner aux RH et aux managers une méthode concrète pour installer un engagement durable, loin des bonnes résolutions qui s’essoufflent.
Étape 1 – Repenser l’engagement : de la grande cause… à l’action quotidienne
1.1. Passer d’une vision « cause » à une vision « action »
Dans le langage courant, l’engagement renvoie souvent à une cause : engagement politique, associatif, citoyen.
Martin propose une définition beaucoup plus opérationnelle :
« L’engagement, c’est l’adéquation entre l’intention de faire quelque chose… et le fait de passer à l’action. Si on fait quelque chose, c’est qu’on était engagé. Si on ne le fait pas, c’est qu’on ne l’était pas vraiment. »
Pour les RH, cette définition change tout :
- Un collaborateur engagé, ce n’est pas quelqu’un qui dit qu’il est motivé.
- C’est quelqu’un qui tient ses engagements concrets dans la durée.
1.2. Les 4 types d’engagement : une pyramide à la Maslow

Pour rendre l’engagement plus lisible, Martin distingue 4 types d’engagement, calqués sur l’esprit de la pyramide de Maslow :
- Engagement impersonnel intérieur – la survie
- Manger, boire, respirer, rester en vie.
- « Si je te laisse au milieu de la jungle, tu ne vas pas dire : “je suis fatigué, je verrai demain”. Tu vas tout faire pour survivre. »
- Niveau d’engagement maximal : aucune excuse possible.
- Engagement impersonnel extérieur – la vie en société
- Respect des lois, du contrat de travail, des règles de vie collective.
- « Personne n’est super motivé pour payer ses impôts et pourtant on le fait. On se dit : “j’ai pas le choix”. »
- En réalité, on a toujours le choix… mais on accepte les conséquences (perdre son job, aller en prison, etc.).
- Engagement personnel extérieur – le relationnel
- Engagements pris pour les autres : amis, collègues, famille.
- « Quand on dit à un ami : “demain je t’aide à déménager”, on y va même si on se réveille sans envie. On tient pour préserver la relation. »
- Engagement personnel intérieur – l’épanouissement
- Nos habitudes de vie, choix de santé, projets personnels (sport, livre, langue, instrument…).
- « On peut tout faire pour les autres… et toujours se mettre soi en dernier. C’est là que ça devient dangereux. »
C’est ce dernier niveau – les engagements personnels intérieurs – qui est le plus fragile, alors qu’il conditionne directement la santé, l’énergie, la confiance en soi… et donc la performance au travail.
« Quelqu’un qui pense toujours à soi en dernier finit en burn-out côté pro… ou en dépression côté perso. Et là, il ne peut plus aider personne. »
1.3. Le masque à oxygène : métaphore à transmettre aux managers
Martin utilise souvent la métaphore de l’avion :
« Comme en avion, il faut d’abord mettre son masque à oxygène pour pouvoir s’occuper des autres. Il ne s’agit pas de se mettre toujours en premier, mais de ne pas se mettre systématiquement en dernier. »
Message clé pour les RH :
Un engagement durable dans les équipes passe par des collaborateurs qui ne sacrifient pas systématiquement leurs engagements personnels intérieurs. Sinon, tôt ou tard, l’organisation paiera la facture : désengagement, fatigue, turn-over, santé mentale.
Étape 2 – Déjouer le “grand chelem des excuses” et passer de l’intention à l’engagement
Tout le monde a des intentions : faire du sport, donner plus de feedback, mieux communiquer, se former…
Ce qui manque, c’est le passage à l’engagement.
« L’intention, c’est le “j’aimerais bien”. L’engagement, c’est “quoi qu’il arrive, je le fais”. »
2.1. Le Grand Chelem des excuses
Depuis plusieurs années, Martin repère toujours les mêmes 4 grandes familles d’excuses :
- « J’ai pas le temps »
- Excuse numéro 1, systématiquement citée dans ses ateliers.
- « On n’appelle pas le fisc pour dire : “je voulais payer mes impôts mais j’ai pas eu le temps”. Quand c’est vraiment important, on trouve le temps. »
- « Je suis fatigué / j’ai pas l’énergie / pas la motivation »
- « On n’est jamais trop fatigué pour 10 minutes de yoga. Si quelqu’un vous mettait un pistolet sur la tempe, vous le feriez. Donc le problème, ce n’est pas l’énergie, c’est le niveau d’engagement. »
- « Je n’ai pas de discipline / je procrastine »
- « La discipline, c’est une illusion. C’est juste une conséquence de l’engagement. Si tu es engagé à 50 %, tu seras discipliné à 50 %. »
- « J’ai oublié »
- « On n’oublie pas un rendez-vous médical avec 4 mois d’attente. On met un rappel. Si on oublie, c’est que ce n’était pas vraiment un engagement. »
Point dur pour les RH :
Tant qu’un collaborateur est au niveau “intention”, ces excuses sont légitimes pour lui. Tant qu’il n’y a pas de véritable engagement, l’organisation ne peut pas s’appuyer dessus.
2.2. L’équation de l’engagement

Martin résume tout cela dans une équation simple :
Engagement = Intention + Priorité – Excuses
En pratique, cela donne :
- Une intention claire
« On a besoin d’une envie de départ. Sans intention, on ne fera rien. Mais l’intention seule ne suffit pas. »
- La capacité à en faire une priorité
« Si tu veux faire 20 minutes de sport, il faudra bien enlever 20 minutes à autre chose : scroll sur le téléphone, canapé, sommeil… On ne “trouve” pas le temps, on le déplace. »
- Un refus anticipé des excuses
« Si tu sais déjà que tu ne vas pas en faire une vraie priorité, je préfère que tu ne prennes pas d’engagement. Sinon, tu vas juste renforcer la petite voix qui dit : “je suis nul, j’y arrive jamais”. »
À retenir pour les RH :
- Aider les collaborateurs à formuler des engagements réalistes, plutôt que des grandes résolutions intenables.
- Valoriser les petits pas tenus plutôt que les grands plans jamais lancés.
Étape 3 – Créer des cadres d’engagement durables dans l’entreprise
C’est ici que les RH et les managers deviennent clés : comment créer un environnement qui favorise le passage de l’intention à l’engagement ?
Martin propose trois leviers très concrets.
3.1. Paramétrer des engagements “smart mais vivants”
On retrouve l’esprit des objectifs SMART, mais recentré sur l’action :
« On ne peut s’engager que sur des actions concrètes, pas sur un résultat. On ne s’engage pas à “mieux dormir”, on s’engage à “éteindre son téléphone à 22h, cinq soirs par semaine”. »
Exemples côté management :
- ❌ « Je m’engage à être plus proche de mes équipes. »
- ✅ « Je m’engage à prendre 10 minutes chaque matin pour un café informel avec une personne de l’équipe. »
- ❌ « Je m’engage à donner plus de feedback. »
- ✅ « Je m’engage à bloquer 30 minutes par semaine avec un collaborateur pour un entretien feedback. »
« Un engagement, c’est quelque chose qu’on peut mettre dans l’agenda… et cocher. »
👉 Rôle des RH : accompagner les managers pour transformer leurs bonnes intentions en micro-rituels précis, mesurables et réalistes.
3.2. Utiliser la psychologie sociale : donner sa parole à quelqu’un
Premier levier puissant : formuler son engagement devant quelqu’un.
« Si je pense dans ma tête : “demain je vais au sport”, peut-être que j’irai, peut-être pas.
Si je te dis : “demain je t’envoie une photo depuis la salle à 8h”, ce n’est plus pareil. Si je n’y vais pas, je ne te montre pas que je n’ai pas fait du sport… je te montre que tu ne peux pas me faire confiance. »
Pour les RH, cela ouvre des pistes :
- Intégrer des moments d’engagement public en fin de formation (tour de table, engagements écrits, binômes de pair-accountability…).
- Aider les managers à demander explicitement la parole :
« Tu me donnes ta parole que tu feras ça d’ici mardi ? »
Comme le dit Martin :
« Un engagement, ce n’est pas du blabla. C’est dans le regard et dans la poignée de main. »
3.3. Ajouter l’économie comportementale : donner une valeur à l’engagement
Deuxième levier, inspiré de l’économie comportementale : donner une valeur à la non-tenue de l’engagement.
« On fait tous nos choix selon la valeur qu’on y associe. Si rompre un engagement n’a aucune conséquence, on le lâche facilement. »
Exemples utilisés par Martin :
- Une cliente qui n’arrivait pas à arrêter de fumer :
« Je lui ai dit : si tu me donnes ta parole que tu ne fumes pas jusqu’à fin décembre… et que sinon je prends ton chien. Est-ce que tu crois que tu vas fumer ?
La réaction viscérale de la cliente a montré à quel point la valeur de l’enjeu change tout. »
- L’exemple du livre de Raphaël :
« Tu t’étais engagé à écrire une demi-heure, quatre fois par semaine. Et tu as mis dans la balance un mois de salaire. Je savais que je ne le verrais jamais… parce que là, tu étais vraiment engagé. »
Ce n’est pas forcément financier.
Martin cite le cas d’une personne qui met en jeu le premier dessin de son enfant — valeur inestimable pour lui.
👉 Pour les RH et managers :
- Encourager les collaborateurs à définir eux-mêmes une conséquence en cas de non-respect (don, symbole, service rendu, pénalité “fun” mais significative…).
- Lier certaines habitudes clés (ex : entretien d’équipe, feedback, rituels de reconnaissance) à des engagements clairs, suivis dans le temps.
3.4. La méthode Q3 No Limit : 3 questions pour des engagements infaillibles
Martin a formalisé cette approche dans une méthode simple : Q3 No Limit, basée sur trois questions “oui/non”.
Quand quelqu’un pose un engagement, il lui propose de répondre sincèrement à ces 3 questions :
1. Est-ce que je suis quelqu’un de parole ?
« Ça ne veut pas dire que vous tenez tout, tout le temps. Mais si vous me dites : “je fais ça pendant un mois”, est-ce que vous me direz la vérité sur la tenue ou non de votre Engagement à la fin du mois ? »
2. Est-ce que j’assume mes responsabilités ?
« Si vous ne tenez pas votre engagement, est-ce que vous assumerez la conséquence que vous avez vous-même définie — sans vous cacher derrière les excuses ? »
3. Est-ce que je suis prêt à en faire une priorité ?
« Si ce n’était déjà une priorité, vous l’auriez déjà fait. La question, c’est : maintenant, est-ce que vous êtes prêt à déplacer quelque chose pour ça ? Si la réponse est non, ne vous engagez pas. »
« Je préfère que les gens s’engagent moins, mais qu’ils s’engagent mieux. »
Et pour les RH, concrètement : par où commencer ?
Quelques pistes très opérationnelles à mettre en place dans vos dispositifs :
- En formation / ateliers :
- Transformer chaque fin de session en temps d’engagement concret (un comportement, une fréquence, un début de plan).
- Proposer aux participants un binôme d’engagement (je donne ma parole à quelqu’un).
- Dans la culture managériale :
- Encourager les managers à se fixer des micro-rituels d’engagement :
- 1 compliment ou merci par jour.
- 1 café informel par semaine avec un collaborateur.
- 30 minutes feedback par semaine.
- Demander des engagements concrets, datés et mesurables, plutôt que des promesses vagues.
- Encourager les managers à se fixer des micro-rituels d’engagement :
- Dans les parcours de formation (comme Fasterclass) :
- Aider les participants à bloquer des créneaux dans l’agenda pour les contenus d’intersession.
- Mettre en place des relances “tuteur” qui rappellent l’intention et renforcent l’engagement, comme Fasterclass l'a déjà fait pour passer à 93 % de complétion.
« L’engagement durable, ce n’est pas une grande théorie. Ce sont des micro-décisions tenues dans le temps. »
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