Les Soft Skills : un avantage concurrentiel indéniable.
"Les ressources humaines ne sont pas un rayon à part sur les étagères des librairies. Elles sont au cœur du management, du business, et de sa transformation."
MARYLÈNE DELBOURG DELPHISSerial Technology CEO, Board Member & Advisor
Comme l’a très justement souligné Marylène Delbourg Delphis dans son livre Tout le monde veut aimer son travail, dans un monde VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity), les entreprises rivalisent d’automatisations et possèdent toutes de plus en plus d’outils et une énorme quantité de données. Dans ce contexte, ce qui fera la différence entre deux entreprises concurrentes est alors d’une autre nature. Il s’agit de la capacité de leurs collaborateurs à travailler ensemble. Dans une grande étude réalisée sur plus de 800 000 managers dans des entreprises de toutes tailles et tous secteurs, l’Institut Gallup a mis en évidence que le manager direct d’un employé était la raison principale de son turnover - ou de sa fidélité. Et que si les personnes rejoignent une entreprise, elles quittent généralement leurs managers. Malheureusement, l’étude conclut que, plutôt que de s’attaquer à cette difficile question, les entreprises ont souvent préféré faire l’autruche et ont gaspillé énormément d’argent pour tenter de garder leurs bons éléments avec des augmentations salariales, de beaux bureaux dotés de salles de siestes et de babyfoots, de la bonne restauration, et des avantages divers et variés… Alors qu’à la fin, le départ d’un salarié est avant tout un enjeu managérial. Dans son livre First Break All The Rules l’Institut Gallup est même catégorique :
"Si vous avez un problème de turnover, commencez par regarder vers vos managers."
GALLUP INSTITUTEAmerican analytics & advisory company
C’est dans ce contexte de concurrence accrue, de rétention des talents, et de capacité d’adaptation nécessaire à un monde toujours plus incertain que les formations aux soft skills - management, leadership, gestion du temps, gestion de projet, savoir donner et recevoir du feedback, prendre la parole en public, etc. - jadis accessoires, deviennent incontournables.
Les marchés de la formation aux soft skills, jadis très réduit, est d’ailleurs actuellement en pleine expansion (voir article).
Toutefois, il existe encore de nombreux défis à relever pour maximiser l’impact de ces formations.
E = Q x A : Les freins à l’efficacité des formations.
Malgré ce dynamisme nouveau, il semble que les effets de ces formations soient encore limités.
Nous pouvons l’analyser sous le prisme de l’équation de l’efficacité d’une transformation
Cette équation avait été utilisée notamment par General Electric lors de leur processus de transformation réussi, initié en 1989-1990 par leur CEO Jack Welch (source : Benchmark Six Sigma)
De même que pour le changement chez GE dans les années 90, l’efficacité d’une formation dépend de deux facteurs : la qualité de la formation, et l’adhésion des différentes parties prenantes à la formation.
Si l’unes des deux composantes de l’équation est faible - ou pire, nulle - l'efficacité de la formation sera elle aussi faible - ou pire, nulle.
En effet, si 10 x 10 = 100 … 100 x 0 = 0.
On ne peut donc faire l’impasse ni sur la qualité d’une formation, ni sur l’adhésion des différentes parties prenantes à cette dernière.
1. Les principaux freins liés à la qualité
Le premier frein en France est systémique.
Il est lié à la grande régulation du secteur qui n’a pas eu besoin de se renouveler ni de se moderniser pendant des décennies. En effet, pendant de nombreuses années, il a été très facile de devenir organisme de formation. Un simple dossier permettait d’obtenir son numéro de déclaration d’activité (NDA). Un autre, déclaratif, permettait d’être “datadocké” et donc que les formations soit éligibles à l’ensemble des financeurs : OPCA (fusionnées en OPCO depuis 2019), Pôle Emploi, Agefiph, l’Etat, etc.
De plus, les entreprises doivent dépenser un pourcentage de leur masse salariale en formation. Ce pourcentage dépend notamment de la taille de l’entreprise.
Ainsi, pendant une longue période - pas encore totalement révolue - les organismes de formation ont bénéficié de quasi-rentes, avec des budgets obligatoirement dépensés chaque année, et pour certains pris en charge par les financeurs tels que les OPCA/OPCO ou Pôle Emploi.
Inutile de se moderniser pour vendre. Et c’est ainsi que le secteur a pris un grand retard et s’est vu attribuer, en partie à raison, une image de secteur vieillot et à la traîne.
Cette rente, très attractive, a d’ailleurs fait exploser le nombre d’organismes de formation en France. On en dénombrait 87 000 en 2022 (Source : Digiforma).
C’est heureusement en train de changer, pour au moins 2 raisons.
La première est un changement de réglementation. Exit Datadock, Welcome Qualiopi !
La grande différence est que la certification Qualiopi, en plus d’être plus exigeante en termes de qualité, est obtenue suite à un audit de l’organisme de formation, et donc sur ses pratiques réelles.
Datadock, à l’inverse, était obtenu par l’envoi d’un dossier déclaratif. C’est une différence colossale.
La seconde, encore plus impactante, est liée au Covid. En 2019, les formations étaient pour la quasi totalité dispensées en salles, en présentiel. La digitalisation était quasiment inexistante.
À partir de mars 2020, les organismes de formation ont été confrontés au choix suivant : se digitaliser ou mourir. Un grand rattrapage de digitalisation et modernisation s’est alors opéré dans le secteur depuis 2020 et est toujours en cours en 2022.
Pour preuve, d’après une enquête menée par MyRHline en partenariat avec Beedeez, seulement 6% des entreprises indiquent que la crise n’a eu aucun réel impact en matière de digitalisation de la formation. À l’inverse, 70% des entreprises ont déclaré dans l’étude que le Covid avait été un déclencheur et un accélérateur de projets de formation digitaux.
Le second frein pénalisant la qualité : Initier un changement est long et douloureux
Apprendre passe par 4 phases (voir article) :
● 𝗣𝗛𝗔𝗦𝗘 𝟭 : 𝗟'incompétence inconsciente (Je ne sais pas que je ne sais pas)
● 𝗣𝗛𝗔𝗦𝗘 𝟮 : 𝗟'incompétence consciente (Je sais que je ne sais pas)
● 𝗣𝗛𝗔𝗦𝗘 𝟯 : 𝗟a compétence consciente (Je sais que je sais)
● 𝗣𝗛𝗔𝗦𝗘 𝟰 : 𝗟a compétence inconsciente (Je ne sais pas que je sais)
"Pour pouvoir apprendre, il faut avoir le goût de l’effort."
Stéphane Moriou - Ex-président Manpower France
La phase 2, celle de l’incompétence consciente, est à la fois inévitable et douloureuse. C’est celle où on se rend compte que le chemin de l’apprentissage sera difficile.
Le plaisir, lui, n’intervient qu’en phase 3, avant d’exploser lors de la quatrième phase.
L’apprentissage est un processus long, qui doit s’ancrer dans la pratique et dans la durée.
Or, quand un employé est en formation, il ne “produit” pas ce pour quoi il est rémunéré.
À court terme, c’est une perte de productivité certaine pour l’entreprise. C’est pourquoi la formation doit donc être clairement circonscrite dans le temps, et que ce temps soit le plus court possible.
Parfois 2 jours, souvent 1 journée ou ½ journée.
Une fois la session de formation terminée, les employés retournent à leurs missions respectives, mises de côté déjà suffisamment longtemps. Et… la force de l’habitude remporte quasi systématiquement la bataille. Chassez le naturel, il revient au galop : rien ou presque ne change.
Pourquoi ? Parce qu’après une unique session, qu’elle dure 2 jours ou a fortiori 2 heures, nous quittons seulement la phase d’incompétence inconsciente (je ne sais pas que je ne sais pas) pour entrer dans la douloureuse phase de l’incompétence consciente (je sais que je ne sais pas). Et il est très difficile pour ne pas dire impossible de se remobiliser et pratiquer seul ce que l’on a appris jusqu’à atteindre les phases 3 et 4 de l’apprentissage lié à la formation.
2. Les principaux freins liés à l’adhésion.
Sans une adhésion forte, impossible d'avoir une formation efficace.
Souvenez-vous : E = Q x A
Cette adhésion des différentes parties prenantes nécessite un important travail trop souvent occulté.
Embarquer les directions.
Pour emporter l’adhésion des collaborateurs en formation, les premières personnes à embarquer sont les directions.
Or, comme la mesure de l’impact des formations aux soft skills est plus difficile que pour les formations techniques, les directions sont plus réticentes à les déployer. En effet, contrairement aux formations techniques - comme pour les commerciaux où vous pouvez mesurer les ventes avant et après la formation, comment mesurer objectivement si vos employés sont devenus de bons leaders ? Comment mesurer objectivement et simplement le management d’une personne ? Ses prises de parole ? Sa capacité à donner et recevoir du feedback ?
L’absence de mesure aussi fiable, simple et concrète de l’impact des formations aux soft skills comparé aux formations métier les rend moins attractives pour les directions qui ne peuvent s’assurer de leur qualité.
Or, les top managers et les dirigeants doivent promouvoir les formations en interne pour leur donner une vraie crédibilité. Quand il s’agit d’une transformation culturelle, comme, par exemple, la culture du feedback, ils doivent même la suivre personnellement eux aussi pour en devenir les premiers ambassadeurs !
Comment voulez-vous que les collaborateurs suivent assidûment une formation dont leurs chefs se dispensent car ils ont mieux à faire ? Si les leaders de la transformation ne l’incarnent pas, personne ne le fera. Un escalier se balaie en commençant par le haut.
Embarquer les directions, les faire relayer les messages clefs et promouvoir les formations, sont un facteur clé de succès.
Recruter les bons apprenants en amont.
Lorsqu’une formation est déployée dans une entreprise, certains collaborateurs se retrouvent inscrits à des formations pour lesquelles ils n’auront soit pas d’intérêt, soit pas la bande passante. Et cela mènera inexorablement à leur décrochage. La phase de recrutement des collaborateurs qui suivront les formations est cruciale, avec une communication claire sur le niveau attendu, les objectifs de la formation, et l’investissement en temps nécessaire.
Ainsi, pour pouvoir suivre une même formation, les apprenants doivent :
● Avoir un niveau homogène.
● Être convaincus que la formation leur sera utile.
● Avoir la disponibilité nécessaire et bloquer leurs agendas à l’avance.
Proposer des parcours modernes et impactants.
Le secteur de la formation a peu évolué pendant des décennies. C’est une opportunité à saisir pour tous les acteurs du secteur. En cassant les codes avec une approche moderne, à la fois digitale synchrone et asynchrone, avec une communication moderne qui utilise les différents canaux de l’entreprise, et des sessions qui s’inscrivent dans la durée, les apprenants peuvent être très agréablement surpris et s’engager d’autant plus dans leur parcours de formation. Comme un vin que l’on croyait quelconque et qui s’avère en fait être excellent et dont on se ressert à l’envi.
Afin que ces parcours de formation soient le plus impactant possible et donc engageants pour les apprenants, il faut certes que les formateurs soient excellents, qu’ils connaissent à la perfection leur sujet, qu’ils aient de l’expérience terrain et non pas seulement des connaissances théoriques, qu’ils prennent en compte le contexte de l’entreprise (ses contextes géographiques, économique, organisationnel, et son jargon), mais il faut aussi réussir à passer d’un monde d’experts ponctuels à une démarche qui inclut également du pair à pair dans la durée.
Alliée à l’aide ponctuelle d’experts, l’approche pair à pair est en effet celle qui semble la plus impactante pour les apprenants, et celle utilisée par les leaders d’aujourd’hui. Plutôt que de suivre uniquement d’experts, ils aiment apprendre de manière quotidienne via leurs réseaux - un réseau que n’ont généralement pas les collaborateurs de leur entreprise.
En transformant leurs parcours de formation en parcours pair à pair, avec de l’apprentissage en réseau, les organismes de formation permettront aux collaborateurs d’apprendre comme le font les plus grands leaders de notre monde.
(Source : Harvard Business Review France "Apprenez des autres, pas des cours")
Conclusion : en route vers l’entreprise apprenante !
Les entreprises et les organismes de formation sont en train de changer de paradigme. La secteur de la formation est en pleine transformation notamment depuis la digitalisation forcée par la crise Covid. Les nouvelles technologies permettent désormais de renforcer à la fois la qualité des formations et l’adhésion des parties prenantes, que ce soit en mesurant l’impact des formations de manière plus précise, ou en bénéficiant d’approches hybrides et pair à pair dans la durée.
Avec l’émergence de :
- Nouveaux métiers comme celui de designer pédagogique.
- Nouvelles technologies comme celles du Learning Experience Plateforme (LXP) Teach Up, de l’outil de classe virtuelle Glowbl ou encore de l’automatisation de l’administratif avec Edusign.
- Nouveaux acteurs comme Livementor, Simbel, Numa, LaWEbox, Unow, Yaniro, Teambakery, Microdoing ou encore Fasterclass.
L’expérience de formation est enfin remise à sa place : au centre du village.
Grâce à cela, alors que seuls les plus grands leaders étaient de véritables éternels apprenants, les organisations ont désormais toutes les cartes pour réussir à créer une culture de l’apprentissage et permettre à tous leurs collaborateurs de devenir des éternels apprenants, c’est-à-dire des personnes qui non seulement aiment apprendre, mais ressentent de plus un besoin constant d’acquérir de nouvelles compétences. Et ainsi, devenir des organisations apprenantes.